D’un Céline l’Autre : Pastiche de Destouches, archives personnelles

SEUL AU PARADIS
Cette fois je vais me lever du pied gauche, c’est une nouvelle aventure, j’espère. J’allume une autre cigarette parce que j’en ai envie, seulement parce que j’en ai envie. Et puis je ferme les rideaux et je me prépare à vivre.

une entrée dans la salle de bain où les carreaux de faïence, déracinés du sol, marquent un crépitement à chaque pression de mes pieds nus et froids.

Vient alors le rasage, devant la glace lorsque la lame vient faucher au plus près mes poils et inciser, par maladresse, ma peau innocente, quelques gouttes de sang qui coulent et contrastent avec ma peau blême. Envie de dormir dans la chaleur de l’eau, me voilà fin prêt pour sortir affronter la rue. Je ferme la chambre et prête les clefs à Ernest, mon voisin de palier qui nourrit ma girafe en mon absence. Ernest est un gentil garçon, toujours prêt à rendre service. C’est lui qui s’occupe le plus souvent de nettoyer les toilettes communes et même après mon passage.

Je sors et, c’est vrai, la rue chaque matin a une nouvelle senteur. Un autre regard. Plus ferme ou plus indulgent. Je cours après le bus qui m’emmène place Fendart où m’attend Désirée. Ça fait sept mois que je l’avais pas revue. J’1’avais rencontré place du tartre, ou elle vendait des chi-chi et des barbes à papa aux allemands en short. Elle m’a pris tout de suite pour un étranger, moi, le vieux parisien-mégot! J’en ai ri jusqu’à la rate et j’ai embrayé en l’invitant à dîner chez José, à la Fourche. Et maintenant, j’sais pas trop ce qu’elle devenue, si j’aurais toujours envie de son petit cul ballonné et de ses seins à l’air, poignants. Rue châssis, école orthopédique…place fendart, c’est pour moi! Attends…on avait dit près de la statue Georges Chimère. Y a personne, midi quinze, c’est pourtant l’heure et pourtant ça sent différent, plus exactement, ça sent les doigts, les doigts à l’oignon.

Je ne comprends pas ce que je ressens. La tristesse que je ressens, cela n’existe pas. C’est vide à la fois. Y a personne à la place, Désirée c’est du manque, maintenant On m’a injecté du manque dans mes veines, et les lampadaires tournent avec la nuit.

Je vais coucher ici.

Seul au paradis.

À chaque procuration poétique, une gifle attend le poète m’a dit Luc Dellisse. À quoi je lui ai répondu stoïquement que je tends toujours l’autre pour pallier au déséquilibre de la terreur démocratique invisible.

Guillaume HOOGVELD 1997@2013 Droits réservés©