Libera me
Libera me Pour Papa,
Charlotte HAMEL 2010©
Rends-moi ma propre respiration
Et tous les mots qui lui sont associés
Pessõa Hölderlin et Paul Celan mériteraient-ils
un beignet aux pommes quand j’ai six ans
une discordance de temps
sans aucun verbe dans la soute
Je me suis créé de toutes pièces un pesant de douceur
pour clouer à pic la peur que je portais
sans pouvoir me délier de ses mains effilées aiguës aiguisées
Je voudrais juste revenir à la maison
avoir le temps
avec mes propres pas
d’arriver à la première des aubes
avec un contrat plié
mille fois je veux bien
mille fois juif errant
que ça te plaise ou que tu me dises non
que tu sois mon père ou un mauvais garçon
que tu aies eu besoin de te mettre toi aussi
à de nouveaux diapasons
Trouver ta paix
trouver le rythme à ta chanson
donner du sens à une diaspora de printemps
Une tentation de Venise
qui aurait fracassé l’azur de l’horizon
Guillaume
Automne 2011
Limitations d’ivresses
À Mahé
La folle aventure des pas perdus décide de mon avenir
J’ai le destin au bout de ma lyre
Crapahuté, rejeté en fond de cale j’aperçois une lame
Et son reflet me mime l’espoir des possibles
Messager des ombres j’agis comme une nuit enceinte
D’une lune maladroite et d’un soleil fiévreux
Assez d’être messager, poète du saisi et de l’instantané
Photographe du phantasme de la mort sur scène
Je suis dénudé par les maux, et encore, quels mots
Et comment les soumettre, les mettre à terre, les mettre
Plus bas qu’on peut taire le langage
Comme on programme un autodafé
Et je mets au monde
La face blonde
De Nico qui fait sa ronde
Jim Morrison à l’heure d’été
J’ai une trousse à pharmacie et une ouverture de fable
J’ai essayé toutes les situations qui étaient sous la table
Le goût de déjà vu déjà vécu qui vient ici si affable
Je m’appelle Eternité j’ai le goût d’un vrai Champagne
Semblant d’oubli dans les bulles sacrées
Je ne m’arrête plus, pas de terminus
Je ne m’arrête plus j’ai tous les âges Je suis une addition probable
Conscience qui l’est de tout je survole les péripéties neuronales
V1 Flash 2007 V2 Limitation d’Ivresses Guillaume HOOGVELD 2010 ©
Insurrection à libération immédiate
J’aurais aimé dire qui je suis à quelqu’un. Quelque chose aurait certainement changé ; pas en moi, mais peut-être chez mes proches.
J’ai marché ; c’était le désert, il y avait une palmeraie qui annonçait de longues heures de repos, dont nous avions tant espoir.
Vous êtes parti vous avez dit au revoir et pas un seul adieu.
Je vous ai donc attendu, comme la marée remonte ; en premier lieu j’aurais dit « pour rien » mais j’ai versé des larmes, beaucoup de larmes pour ces petits riens, tant de larmes que j’aurais pu irriguer des nappes phréatiques.
Toi tu connaissais mon nom et tu l’écrivais sur le bitume amolli d’un été saharien.
Toi tu connaissais mon nom et tu le taguais NET à la face des flics en faction ; tu taguais mon nom tu connaissais mon nom sur le Pont-Neuf tu connaissais mon nom dans tes itinéraires étoilés, où soleils calcinés et visages sanglotant se muaient. Tu te souvenais qu’on avait été amis, était-ce cette année-ci ? Cette année-là ? Et tu demandais : « était-ce bien fini ? »
Et le vent a soufflé et le métro est revenu et la crasse urbaine a charrié tous ses miasmes, des gobelets en polystyrène, des papiers fast-food, des tickets sans retour ou peut-être pire, avec un retour assuré, une bonne journée de salarié sur un strapontin matinal avec les 35 heures et puis ça y est encore des vieux journaux, des journaux de petites annonces. Tu regrettes, tu n’as jamais cru dans les petites annonces, tu n’as cru qu’aux grands fracas, aux grands discours, libertaires ou totalitaires, aux déclarations de chair et d’épines pas gonflées d’électronique ni de câbles réseaux.
Et puis, il y a eu du trop facile, ces masques linéaires inexpressifs qui se faufilent d’un pseudonyme vers un autre pseudonyme pour enfin te déclarer laconiquement que tu t’es trompé, qu’ il y a une erreur de casting dans toutes tes rencontres et que tu commences à croire que tu es maudit.
Alors tu retournes dans ton Sahel, le tien, t’enfermer dans tes plus beaux voyages. Ici, c’est l’horizon à perte de vue, le tien, pas de locomotion électrique ou thermique, il te faut des jambes pour faire un pas vers un autre horizon : celui qu’il n’appartient qu’à toi de faire surgir, d’extraire de ton cœur.
Guillaume HOOGVELD 2007 ©
Télégramme
A bout je t’écris. Juste avant. Des étincelles frappent sur mon front. Il bruine. L’automne déjà. Quel jour sommes-nous. L’année dernière, j’avais des dents. Mes gencives poussent. Cerceaux autour de la lune. Le soleil est oisif. J’aimerais te demander quel âge tu as. Nous sommes mariés depuis ce matin. Je teins mes ténèbres en bleu. Déserte ton travail, tes amis. Prie. Oublie-toi. Imagine que tu n’as pas seulement existé. Aie un orgasme. Chante sous la grêle. Aime des gamines. N’aie pas d’enfants. Souviens-toi. Regarde tes géniteurs copuler. Fais des additions. Pile, tu meurs. Face, tu perds. Reviens 10 ans auparavant. Prends à droite après le feu. Grille-les. Mets du vinaigre. Pose-moi l’unique question. Lâche du lest. Crie au scandale. Après tout. Dissémine des pensées vierges. Abats un passant. Sois probable. Prends une balle dans l’aorte. Sectionne ton poumon gauche. Devine-toi. Sois foutue autant que tu aimes la vie. Envie le Christ. Cercle-toi de ronces. Invente ta langue. Recueille les fruits de ton hasard. Mange des laitues. Extrais du cristal. Derrière la rocade tourne à gauche. A mon retour je t’attendrai. Je t’aurai mal aimé. Mais quand même.
©Guillaume HOOGVELD #2005 pour le texte
©Guillaume HOOGVELD #2013 pour la photographie
J’ai été nu dans le feu
« J’ai été nu dans le feu », Éditions Librairie-Galerie Racine, Paris 2008
Couverture Cyneye
Lithographies rehaussées à l’aquarelle d’Anton LArbie